« Die Hertz Zone », c’est autobiographique…
un instantané des choses qui ont compté,
qui m’ont construit, qui font l’homme
de 55 balais que je suis aujourd’hui…
D’accord… et ton nouveau projet alors ? J’ai écouté Die Hertz Zone et… j’étais un peu perdu au départ, je te dis franchement… mais en fait j’adore ça quand l’artiste me met une calotte d’entrée, et je t’ai comparé un peu, parce que je les connais bien, à Yann Tiersen dans la façon de faire, et le côté trituré d’Alexandre Varlet… et là j’ai pensé, pfou, là il y a encore des choses à dire, et je trouve que musicalement, c’est pfou… (Un peu comme dans “pouf !”, Philippe manifeste dans “pfou” son admiration mais surtout son ébahissement incrédule devant tant de talent, puis roule une clope.)
C’est un voyage cet album Die Hertz Zone, c’est autobiographique et je voulais un instantané. Quand on pense à instantané, quand on fait le parallèle, on pense à quelque chose de court, or c’est une tranche de vie aussi. J’ai fait un instantané des choses qui ont compté, qui m’ont construit, qui font l’homme de 55 balais que je suis aujourd’hui. Donc ça commence par cette époque où, avec deux accords, tu communiquais quelque chose… On en connaissait trois, on gueulait dans un micro et je répétais à l’époque, à Bruxelles, dans un endroit où des types s’entraînaient à l’aviron, et il y avait des placards en métal et à chaque accord de guitare, les 200 portes de placard faisaient «vrrrrrrrrrr» (les deux sont bidonnés), ça me renvoie très loin, le long du canal de Bruxelles… Et après j’ai voulu changer d’univers, apprendre la guitare. J’ai toujours été sensibilisé par ces petites notes de travers, ces blue notes qu’on trouve dans le bluegrass plus que dans la country, et je suis parti à Nashville en 1980 avec ma guitare sur le dos, j’avais 17 ans. Je me suis incrusté dans les bars à Nashville, à Trenton, et j’ai essayé de choper ces petits accords-là. Après est venu le slide, par Ry Cooder, bien avant Ben Harper – même si j’ai eu l’occasion de faire la première partie d’une tournée de Ben Harper – mais Ry Cooder, ça a été un véritable électrochoc. Pour moi Ry Cooder c’est ça, comme Soulages en peinture : la manière de jouer des silences, pouvoir matérialiser du silence, et ça Ry Cooder le fait très bien. Et quand tu fais le grand écart entre les 3 accords d’un groupe punk où on est en 180 BPM et 12 mesures de silence à la fin d’un morceau de Ry Cooder qu’on écoute jusqu’au bout, jusqu’à plus soif… c’est ce grand écart-là que j’ai voulu exprimer dans cet album Die Hertz Zone. C’est l’histoire de ma vie avec des douleurs, avec des sommets, avec des fossés…
Quand j’écoute un album, bien souvent j’ai une image en tête et quand tu parles de grand écart, je vois davantage un équilibriste… J’ai fait plusieurs tournées avec France Concert, Le Lac des Cygnes, Casse Noisette etc, et il y a cette salle à Genève, le BFM, coincé entre deux bâtiments, et un gars avait tendu un câble entre les deux et était en équilibre dessus, et c’est l’image qui m’est venue en écoutant ton album…
C’est plein de souvenirs, Genève… J’ai toujours voulu être danseur, un peu le syndrome Billy Elliot quoi, très très jeune… c’est venu en même temps que la guitare, j’étais un petit keupon avec une crinière sur la tête, on volait des mobs en banlieue de Bruxelles, je vivais dans une tour, et je suis tombé devant une affiche de Georges Dunn, Béjart, Bruxelles… Je me suis payé mon billet, je me suis retrouvé au 1er rang, au sens propre éclaboussé par la sueur de Georges Dunn dans le Boléro et là je me suis dit, putain je vais faire ce métier, autant que j’ai dit “putain je vais faire ce métier” quand j’ai vu Brian May et Queen la première fois… Donc il y a eu ces espèces d’antipodes qui ont cohabité quelques décennies, et c’est la musique qui a pris le pas mais la danse compte beaucoup pour moi. J’écoute une musique et, quelle qu’elle soit, je la vois dansée, vraiment. Quand je me suis éloigné de la pop, de la variété, des maisons de disques et de tout ce qui matérialise le lien entre le musicien et son métier, c’était pour retrouver cet autre format. À cette époque-là, je vivais avec une danseuse à Genève et j’ai pu toucher du doigt ce rêve d’enfant de collaborer avec des danseurs, des chorégraphes, de voir ça de très près, de prendre des cours avec eux le matin, de sentir cette sueur d’une Compagnie et ça m’a nourri et ça, ça transpire un peu dans Die Hertz Zone…
Suit alors entre ces messieurs une discussion sur la violence et la rigueur impitoyables du métier de danseur, comparables à celle de sportifs de haut-niveau : les entraînements, la surveillance médicale, le régime alimentaire… le tout nonchalamment “assis” dans le canapé, sirotant leur verre de rouge avec des chips et du fromage. Parle-moi de tes inspirations sur cet album. Il y a ta vie, mais d’autres sujets aussi ?
Ma vie, oui, et… En fait, le titre Die Hertz Zone c’est : Die dans le sens directif, ça, tu montres du doigt, donc il y a déjà une volonté d’être radical dans le discours. Hertz, le coeur et la fréquence, quelque chose qui vient du passé, qui existe aujourd’hui et qui existera demain, donc un geste de transmission, quelque chose qu’on ne peut pas attraper. Et Zone dans le sens territoire, dont on sait qu’on ne le changera pas mais à notre âge, on sait qu’on peut naviguer entre les balises, éviter les pièges, les “péages” comme disait Bashung. Donc l’inspiration elle est là, c’est autobiographique et c’est aussi une réconciliation avec moi-même après une grosse période de ténèbres parce que trop d’instrospection, à trop chercher le pourquoi du comment et chercher un sens… et à un moment tu te dis qu’il faut poser les choses, d’où “l’instantané”. Je fais un instantané et après je tourne la page. Une fois l’album fini, les choses dites, c’est bon, tu peux passer à autre chose. C’est comme une pièce de théâtre, une fois qu’elle est écrite, mise en scène et jouée, tu penses déjà à la suivante.
Pour les inspirations musicales, on entend à la fois du Johnny Rotten et Public Image Limited dans la 3ème partie du morceau DHZ, il y a du Ry Cooder aussi, et puis du Johnny Cash, qui est un peu le bonhomme qui m’a donné envie de jouer de la guitare.
Tu travailles comment ? Tu travailles avec une équipe ou toujours tout seul ?
En fait, la rencontre avec les Lopez m’a redonné envie de travailler avec des gens, de se mettre autour d’un sujet, d’échanger et de partager la création. En même temps je suis assez directif dans la vie (petit rire et sourcils circonflexes pour dire «eh, on se refait pas») et dans les projets musicaux aussi et comme j’ai une idée en tête assez précise du son que je cherche, de la trame sur laquelle va se poser le texte, c’est assez difficile de partager ça… Je laisse la porte ouverte à des idées, des pulsions, au talent, à l’expertise des autres, mais une fois que les choses sont arrêtées. Je dis pas “une fois” parce que je suis Belge hein, c’est trop facile… (Philippe approuve, les deux rigolent, on ne les arrête plus.)
Sur les albums précédents, par exemple Gadjë, j’arrivais en studio avec de vrais musiciens beaucoup plus talentueux que je ne le suis : Augustin Foly, Xavier Tribolet, Les Yeux Noirs qui ont fait les violons, B.J. Scott qui a fait les choeurs… ce sont des vrais musiciens qui auraient tout le loisir d’être présents et interrogés dès le début de la création d’un projet d’album. Or je suis arrivé avec des projets de maquettes déjà bien établies en disant voilà, je veux ça comme son, comme ligne de basse etc, donc c’est leur métier, leur son, leur personnalité qui ont coloré et apporté une valeur ajoutée à chaque projet mais j’étais assez – voire trop – directif à ce moment-là. Là, dans l’album que je prépare en ce moment pour l’été prochain j’espère, je suis plus dans une approche de partage.
Tu travaillerais dessus avec les Lopez ?
Alors, on a eu cette discussion très récemment. J’aime beaucoup, beaucoup leur énergie et je trouve qu’elle colle parfaitement au projet dont je vais te parler dans deux minutes, et en plus de l’aspect musicien, il y a l’aspect populaire qui me plaît chez eux : ce sont des ouvriers, des prolétaires et ils le revendiquent. Et comme cet album va parler de mes grand-parents qui étaient mineurs, sans tomber dans le Germinal larmoyant… en même temps c’est vrai, mon grand-père était mineur, c’est une famille qui a creusé son trou, qui mangeait le gras sur les os des côtes de porc donc c’est super important de raconter ça, et les Lopez ont vraiment une légitimité à m’accompagner sur ce type de projet, il en ont envie par l’aspect social de ce projet. Or, musicalement ce sont des punks et à un punk, tu lui dis pas “fais un break là” ou “joue moins vite” ! (Dierick s’esclaffe, il sait de quoi il parle : le punk de ses 17 ans est toujours à l’intérieur) On l’a vu à Saint-Malo, je leur disais “tel morceau on le joue à tel tempo” et ils ont joué trop vite parce qu’ils sont comme ça, donc je sais pas dans quelle mesure je vais pouvoir les “brider” (il est hilare) ! Donc, je ne me ferme pas la porte à d’autres collaborations sur ce projet mais en tout cas, j’ai envie de les impliquer sur certains morceaux.
Question plus générale : tu as côtoyé beaucoup de milieux musicaux, qu’est-ce que tu penses de ce qui se passe dans la musique actuellement ?
(Il réfléchit longuement…) En fait, je peux tomber très très vite dans le piège de devenir un veux réac ou de donner l’impression de l’être, pour répondre à ce genre de question… C’est-à-dire que c’est clairement comme si j’avais loupé un wagon… Il y a une espèce de démultiplication frénétique de tout et n’importe quoi. Je me rends compte qu’il y a de plus en plus de bons chanteurs, si l’on s’en réfère à la variété française, hein… Ce sont de bons chanteurs avec de bonnes voix qui chantent très très bien. Bien mieux que les chanteurs de variété de ma génération. Par exemple chez EMI, j’avais le même chef de projet que Gérald de Palmas, on s’est beaucoup côtoyés, eh bien ni Gérald ni moi -Gérald, haha – ne sommes des chanteurs “à voix”. On écrit des textes, on fait des chansons et on les chante, mais on n’est pas des chanteurs. Et la génération d’aujourd’hui, ce sont de très très bons chanteurs. Entre-temps, ils ont eu d’autres inspirations, il y a eu les comédies musicales, les émissions tremplin, Star Ac’ etc, donc je peux pas cracher dans leur soupe. C’est clairement pas ma soupe, mais donner un avis sur leur soupe sans avoir fait cette cuisine, ce serait très prétentieux. Pourtant, je pourrais dire aussi sans faire un détour : c’est de la merde… En même temps, j’entends une scène rock qui revient, authentique, avec 2 guitares, une batterie, une basse, je sens que ça revient aussi… Parce que j’ai connu le déclin de ça au profit des D.J., puis d’une espèce de soupe variét’… Enfin ces 2, 3 décennies, on a vu ces mutations…
Rencontre avec DIERICK DHZ
« Die Hertz Zone », c’est autobiographique…
un instantané des choses qui ont compté,
qui m’ont construit, qui font l’homme
de 55 balais que je suis aujourd’hui…
Interview – Partie II sur III
(Rencontre avec Dierick DHZ – Lire la partie I)
Lieu : Saint-Malo (35)
Date : 25/11/2018
Par Philippe R. / Cécile B.
D’accord… et ton nouveau projet alors ? J’ai écouté Die Hertz Zone et… j’étais un peu perdu au départ, je te dis franchement… mais en fait j’adore ça quand l’artiste me met une calotte d’entrée, et je t’ai comparé un peu, parce que je les connais bien, à Yann Tiersen dans la façon de faire, et le côté trituré d’Alexandre Varlet… et là j’ai pensé, pfou, là il y a encore des choses à dire, et je trouve que musicalement, c’est pfou… (Un peu comme dans “pouf !”, Philippe manifeste dans “pfou” son admiration mais surtout son ébahissement incrédule devant tant de talent, puis roule une clope.)
C’est un voyage cet album Die Hertz Zone, c’est autobiographique et je voulais un instantané. Quand on pense à instantané, quand on fait le parallèle, on pense à quelque chose de court, or c’est une tranche de vie aussi. J’ai fait un instantané des choses qui ont compté, qui m’ont construit, qui font l’homme de 55 balais que je suis aujourd’hui. Donc ça commence par cette époque où, avec deux accords, tu communiquais quelque chose… On en connaissait trois, on gueulait dans un micro et je répétais à l’époque, à Bruxelles, dans un endroit où des types s’entraînaient à l’aviron, et il y avait des placards en métal et à chaque accord de guitare, les 200 portes de placard faisaient «vrrrrrrrrrr» (les deux sont bidonnés), ça me renvoie très loin, le long du canal de Bruxelles… Et après j’ai voulu changer d’univers, apprendre la guitare. J’ai toujours été sensibilisé par ces petites notes de travers, ces blue notes qu’on trouve dans le bluegrass plus que dans la country, et je suis parti à Nashville en 1980 avec ma guitare sur le dos, j’avais 17 ans. Je me suis incrusté dans les bars à Nashville, à Trenton, et j’ai essayé de choper ces petits accords-là. Après est venu le slide, par Ry Cooder, bien avant Ben Harper – même si j’ai eu l’occasion de faire la première partie d’une tournée de Ben Harper – mais Ry Cooder, ça a été un véritable électrochoc. Pour moi Ry Cooder c’est ça, comme Soulages en peinture : la manière de jouer des silences, pouvoir matérialiser du silence, et ça Ry Cooder le fait très bien. Et quand tu fais le grand écart entre les 3 accords d’un groupe punk où on est en 180 BPM et 12 mesures de silence à la fin d’un morceau de Ry Cooder qu’on écoute jusqu’au bout, jusqu’à plus soif… c’est ce grand écart-là que j’ai voulu exprimer dans cet album Die Hertz Zone. C’est l’histoire de ma vie avec des douleurs, avec des sommets, avec des fossés…
Quand j’écoute un album, bien souvent j’ai une image en tête et quand tu parles de grand écart, je vois davantage un équilibriste… J’ai fait plusieurs tournées avec France Concert, Le Lac des Cygnes, Casse Noisette etc, et il y a cette salle à Genève, le BFM, coincé entre deux bâtiments, et un gars avait tendu un câble entre les deux et était en équilibre dessus, et c’est l’image qui m’est venue en écoutant ton album…
C’est plein de souvenirs, Genève… J’ai toujours voulu être danseur, un peu le syndrome Billy Elliot quoi, très très jeune… c’est venu en même temps que la guitare, j’étais un petit keupon avec une crinière sur la tête, on volait des mobs en banlieue de Bruxelles, je vivais dans une tour, et je suis tombé devant une affiche de Georges Dunn, Béjart, Bruxelles… Je me suis payé mon billet, je me suis retrouvé au 1er rang, au sens propre éclaboussé par la sueur de Georges Dunn dans le Boléro et là je me suis dit, putain je vais faire ce métier, autant que j’ai dit “putain je vais faire ce métier” quand j’ai vu Brian May et Queen la première fois… Donc il y a eu ces espèces d’antipodes qui ont cohabité quelques décennies, et c’est la musique qui a pris le pas mais la danse compte beaucoup pour moi. J’écoute une musique et, quelle qu’elle soit, je la vois dansée, vraiment. Quand je me suis éloigné de la pop, de la variété, des maisons de disques et de tout ce qui matérialise le lien entre le musicien et son métier, c’était pour retrouver cet autre format. À cette époque-là, je vivais avec une danseuse à Genève et j’ai pu toucher du doigt ce rêve d’enfant de collaborer avec des danseurs, des chorégraphes, de voir ça de très près, de prendre des cours avec eux le matin, de sentir cette sueur d’une Compagnie et ça m’a nourri et ça, ça transpire un peu dans Die Hertz Zone…
Suit alors entre ces messieurs une discussion sur la violence et la rigueur impitoyables du métier de danseur, comparables à celle de sportifs de haut-niveau : les entraînements, la surveillance médicale, le régime alimentaire… le tout nonchalamment “assis” dans le canapé, sirotant leur verre de rouge avec des chips et du fromage.
Parle-moi de tes inspirations sur cet album. Il y a ta vie, mais d’autres sujets aussi ?
Ma vie, oui, et… En fait, le titre Die Hertz Zone c’est : Die dans le sens directif, ça, tu montres du doigt, donc il y a déjà une volonté d’être radical dans le discours. Hertz, le coeur et la fréquence, quelque chose qui vient du passé, qui existe aujourd’hui et qui existera demain, donc un geste de transmission, quelque chose qu’on ne peut pas attraper. Et Zone dans le sens territoire, dont on sait qu’on ne le changera pas mais à notre âge, on sait qu’on peut naviguer entre les balises, éviter les pièges, les “péages” comme disait Bashung. Donc l’inspiration elle est là, c’est autobiographique et c’est aussi une réconciliation avec moi-même après une grosse période de ténèbres parce que trop d’instrospection, à trop chercher le pourquoi du comment et chercher un sens… et à un moment tu te dis qu’il faut poser les choses, d’où “l’instantané”. Je fais un instantané et après je tourne la page. Une fois l’album fini, les choses dites, c’est bon, tu peux passer à autre chose. C’est comme une pièce de théâtre, une fois qu’elle est écrite, mise en scène et jouée, tu penses déjà à la suivante.
Pour les inspirations musicales, on entend à la fois du Johnny Rotten et Public Image Limited dans la 3ème partie du morceau DHZ, il y a du Ry Cooder aussi, et puis du Johnny Cash, qui est un peu le bonhomme qui m’a donné envie de jouer de la guitare.
Tu travailles comment ? Tu travailles avec une équipe ou toujours tout seul ?
En fait, la rencontre avec les Lopez m’a redonné envie de travailler avec des gens, de se mettre autour d’un sujet, d’échanger et de partager la création. En même temps je suis assez directif dans la vie (petit rire et sourcils circonflexes pour dire «eh, on se refait pas») et dans les projets musicaux aussi et comme j’ai une idée en tête assez précise du son que je cherche, de la trame sur laquelle va se poser le texte, c’est assez difficile de partager ça… Je laisse la porte ouverte à des idées, des pulsions, au talent, à l’expertise des autres, mais une fois que les choses sont arrêtées. Je dis pas “une fois” parce que je suis Belge hein, c’est trop facile… (Philippe approuve, les deux rigolent, on ne les arrête plus.)
Sur les albums précédents, par exemple Gadjë, j’arrivais en studio avec de vrais musiciens beaucoup plus talentueux que je ne le suis : Augustin Foly, Xavier Tribolet, Les Yeux Noirs qui ont fait les violons, B.J. Scott qui a fait les choeurs… ce sont des vrais musiciens qui auraient tout le loisir d’être présents et interrogés dès le début de la création d’un projet d’album. Or je suis arrivé avec des projets de maquettes déjà bien établies en disant voilà, je veux ça comme son, comme ligne de basse etc, donc c’est leur métier, leur son, leur personnalité qui ont coloré et apporté une valeur ajoutée à chaque projet mais j’étais assez – voire trop – directif à ce moment-là. Là, dans l’album que je prépare en ce moment pour l’été prochain j’espère, je suis plus dans une approche de partage.
Tu travaillerais dessus avec les Lopez ?
Alors, on a eu cette discussion très récemment. J’aime beaucoup, beaucoup leur énergie et je trouve qu’elle colle parfaitement au projet dont je vais te parler dans deux minutes, et en plus de l’aspect musicien, il y a l’aspect populaire qui me plaît chez eux : ce sont des ouvriers, des prolétaires et ils le revendiquent. Et comme cet album va parler de mes grand-parents qui étaient mineurs, sans tomber dans le Germinal larmoyant… en même temps c’est vrai, mon grand-père était mineur, c’est une famille qui a creusé son trou, qui mangeait le gras sur les os des côtes de porc donc c’est super important de raconter ça, et les Lopez ont vraiment une légitimité à m’accompagner sur ce type de projet, il en ont envie par l’aspect social de ce projet. Or, musicalement ce sont des punks et à un punk, tu lui dis pas “fais un break là” ou “joue moins vite” ! (Dierick s’esclaffe, il sait de quoi il parle : le punk de ses 17 ans est toujours à l’intérieur) On l’a vu à Saint-Malo, je leur disais “tel morceau on le joue à tel tempo” et ils ont joué trop vite parce qu’ils sont comme ça, donc je sais pas dans quelle mesure je vais pouvoir les “brider” (il est hilare) ! Donc, je ne me ferme pas la porte à d’autres collaborations sur ce projet mais en tout cas, j’ai envie de les impliquer sur certains morceaux.
Question plus générale : tu as côtoyé beaucoup de milieux musicaux, qu’est-ce que tu penses de ce qui se passe dans la musique actuellement ?
(Il réfléchit longuement…) En fait, je peux tomber très très vite dans le piège de devenir un veux réac ou de donner l’impression de l’être, pour répondre à ce genre de question… C’est-à-dire que c’est clairement comme si j’avais loupé un wagon… Il y a une espèce de démultiplication frénétique de tout et n’importe quoi. Je me rends compte qu’il y a de plus en plus de bons chanteurs, si l’on s’en réfère à la variété française, hein… Ce sont de bons chanteurs avec de bonnes voix qui chantent très très bien. Bien mieux que les chanteurs de variété de ma génération. Par exemple chez EMI, j’avais le même chef de projet que Gérald de Palmas, on s’est beaucoup côtoyés, eh bien ni Gérald ni moi -Gérald, haha – ne sommes des chanteurs “à voix”. On écrit des textes, on fait des chansons et on les chante, mais on n’est pas des chanteurs. Et la génération d’aujourd’hui, ce sont de très très bons chanteurs. Entre-temps, ils ont eu d’autres inspirations, il y a eu les comédies musicales, les émissions tremplin, Star Ac’ etc, donc je peux pas cracher dans leur soupe. C’est clairement pas ma soupe, mais donner un avis sur leur soupe sans avoir fait cette cuisine, ce serait très prétentieux. Pourtant, je pourrais dire aussi sans faire un détour : c’est de la merde… En même temps, j’entends une scène rock qui revient, authentique, avec 2 guitares, une batterie, une basse, je sens que ça revient aussi… Parce que j’ai connu le déclin de ça au profit des D.J., puis d’une espèce de soupe variét’… Enfin ces 2, 3 décennies, on a vu ces mutations…
(à suivre)
(Re)lire : Rencontre avec Dierick DHZ – Lire la partie I
Plus d’infos : Bandcamp
Chronique : Die Hertz Zone 1
Reportage : Concert avec Garage Lopez @ SMRC
Interview : Philippe Riesco – Photos : Philippe Riesco, Dierick – Rédaction : Cécile B.