FESTIVAL

LA ROUTE DU ROCK Collection Hiver 18

avec The Big Idea / Bruit Noir / BDRMM / Gaz Coombes / Walter Astral

Date : 1er mars 2024
Salle : La Nouvelle Vague
Lieu : Bretagne, Saint Malo (35)

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Par Mike S.

Une semaine s’est écoulée depuis le concert d’Hervé dans cette même salle de concert, mais ce soir, le public semble avoir totalement été renouvelé. Ouvert aux curieux et aux connaisseurs, le Festival de La Route du Rock se veut le plus souvent découvreur de talents et nouvelles tendances. Pour sa collection Hiver, ce vendredi est porté par une tête d’affiche, Gaz Coombes, l’ex-leader de Supergrass, entouré de 4 groupes à la notoriété plus ou moins déjà établie.

Pour commencer la soirée, un peu après 20h, The Big Idea, véritable collectif musical de 6 musiciens originaires de La Rochelle. Le groupe y présente son tout nouvelle album en février dernier, Tales Of Crematie. Sur scène, le groupe est très mobile et partage la partie vocale à tour de rôle, semblant nous signifier qu’il n’y a pas vraiment de leader au sein de The Big Idea. Côté musique, le groupe mélange les repères et les influences, de Weezer aux Beach Boys, le groupe se revendiquant lui-même de groupes plus actuels comme King Gizzard and the Lizard Wizard, Flavien Berger ou encore Altin Gün. De quoi proposer une belle entrée en matière, pour cette soirée 100% rock ! 
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The Big Idea à La Route du Rock Hiver 2024

100% rock, mais avec des influences multiples ! Et avec Bruit Noir, difficile d’identifier un genre en particulier, le groupe délivrant un set d’une singularité étonnante, tant par la musique que par la voix de Pascal Bouaziz. Ah tiens, Pascal Bouaziz ! Oui, qui a été fan de l’écurie Lithium (Dominique A, Diabologum, Osolo Telescopic) se souvient de Mendelson, sabordé en 2021 après 25 ans d’activité. Mais, malgré le fait que la voix et la section rythmique se retrouve dans Bruit Noir, le duo a totalement revu son registre, pour n’en garder que la noirceur, tant de la musique que du propos. Pour le reste, Bouaziz se livre à un flow à la fois drôle et cynique en regardant le monde actuel dans lequel il évolue ! Un monde abordé par sa face sombre, dépeint à l’acide sulfurique mais avec une triste lucidité, qu’il aborde, pêle-mêle, les guerres actuelles, les génocides, les migrants, la politique, les élevages intensifs, jusqu’à la parentalité ou les chanteurs engagés. 

Bruit Noir à La Route du Rock Hiver 2024

Fort heureusement, il y a beaucoup d’humour, dans et en dehors des chansons. Pascal Bouaziz semble métamorphosé depuis Mendelson, physiquement, avec sa nouvelle coupe de cheveux, coupée de près, ou avec sa présence sur scène, plus expressif, plus théâtral, et enfin dans ses échanges avec le public. Le chanteur se livre à un tutoiement condescendant avec lui, comme s’il s’agissait d’une seule personne. Il semble à chaque instant essayer de s’abaisser à son niveau intellectuel, pour vulgariser les sujets qu’il aborde, comme lorsqu’il présente sa chanson. Joy Division : imaginez « Tears for Fears mais en bien ». Un des rares titres que le groupe ira piocher dans d’autres albums que IV/III. Pour le reste, ce sont surtout le dernier album, sorti il y a 6 mois que le duo privilégie. Les textes scandés par Michel Bouaziz sont illustrés par les percussions de Jean-Michel Pirès, et une boucle de programmation préenregistrée, tantôt sombre et intrigante évoquant l’obscurité la plus profonde, tantôt abrasive, avec ses riffs synthétiques coupants comme des lames, marquées par des ruptures brusques. Le tout est inquiétant et captivant, capable de te plonger dans un abîme d’émotions sombres et tourmentées. On sort du concert, ambivalent, se demandant si on devait rire ou pleurer, et aussi si on peut alors rire du pire de ce que notre société est capable d’engendrer.   
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Bruit Noir à La Route du Rock Hiver 2024

Avec la suite de la programmation, on passe dans un registre plus consensuel, un univers plus familier, celui de BDRMM, un groupe de rock qui se revendique autant du shoegaze, de la dream pop que de la new wave. Un groupe dont le nom BDRMM se prononce « Bedroom ». Et un groupe qui a, au final, après un set à les écouter,  de réelles similitudes avec Radiohead, tant dans le son d’un rock planant que dans la voix plaintive de son chanteur. Pour cette soirée malouine, les trois anglais viennent y défendre leur 3e album,  Standard Tuning, qui sortira le 19 avril prochain. Ce concert est donc l’occasion d’y entendre quelques anciennes chansons, mais surtout de toutes nouvelles, dont certaines encore jamais jouées sur scène. Quoi que ressemblant à la bande à Thom Yorke, la musique BDRMM en version live offre de beaux moments, pleins d’émotions, surtout quand le chanteur se lancent dans de grandes envolées vocales.  
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BDRMM à La Route du Rock Hiver 2024

On reste ensuite dans le même registre du rock made in England, avec un vétéran de la Brit Pop, puisque Gaz Coombes n’est autre que le chanteur des Supergrass, un trio de rock anglais actif dans les années 90, aux côtés de groupes comme Suede, Pulp ou encore The Auteurs. Mais depuis 2010, et après un petit passage dans The Hotrats, Gaz s’est lancé dans une carrière solo, avec déjà plusieurs albums à son actif. Son quatrième, Turn the Car Around, est sorti en 2023 et le voici ce soir sur scène pour le présenter de ce côté du channel.

Gaz Coombes à La Route du Rock Hiver 2024

C’est la tête d’affiche de la soirée, et peut-être même de l’édition 2024 du festival. La machine est bien huilée, le chanteur avance en terrain conquis, ses musiciens l’épaulent attentivement, sans jamais prendre de réelles initiatives. C’est carré et très propre. On retrouve tous les ingrédients de l’album, avec des petits stigmates des années brit pop, à mi chemin entre les frères Gallagher et Damon Albarn. Ca manque très certainement de surprise, mais les titres ne manquant d’efficacité, ils touchent le public, qui réagit, applaudit et chante même parfois. Malgré cela, la complicité qu’on avait pu observé avec Bruit Noir n’est pas aussi flagrante à cette heure tardive de la nuit devant Gaz Coombes. Soit la fatigue commence à opérer après les 12 coups de minuits, soit il y a une forme de respect ou de contemplation qui a gagné la fausse tout entière. Cette quasi passivité sera juste bousculée le temps de Long Live The Strange, le tube du dernier album Turn the car around. Passivement, le chanteur termine ensuite de dérouler sa setlist en terminant avec deux titres de son deuxième LP, Matador et English Ruse. Quoi qu’on en dise, il faut malgré tout reconnaitre qu’on a passé un bon moment, quasi nostalgique, durant ce concert de Gaz Coombes.  
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Gaz Coombes à La Route du Rock Hiver 2024

Mais ce qui est certain, c’est qu’une fois le concert de Gaz Coombes terminé et les gobelets de bière vidés, une bonne moitié des 1000 spectateurs annoncés, ont décidé de rentrer à la maison, peut-être pour mieux revenir le lendemain voir SLIFT, Decius, Hooveriii, Baby’s Berserk et eat-girls. 

Pour finir la soirée du vendredi, les programmateurs avaient prévu un groupe un brin extra-terrestre, ou tout au moins originaire de la stratosphère. Walter Astral est un duo parisien, formé par Tristan Thomas et Tino Gelli qui mêle des ambiances planantes de rock psychédélique à des rythmiques et des sonorités technoïdes parfois très musclés, à l’image de son guitariste dont le style a un pied dans les 60’s babacool et l’autre dans les 70’s du Hard rock. Ces deux-là, issus de diverses formations, se sont associés durant le confinement et ont sorti deux EP depuis, dont le petit dernier baptisé Jour, largement exploré durant l’heure de concert à laquelle ils ont convié les derniers résistants de la soirée. Leur musique prend des formes de manège à sensation, elle nous entraine doucement dans les hauteurs avant de nous parfois secouer façon shaker. C’est une véritable expérience sensorielle. Elle nous plonge parfois dans une semi-conscience, mais le réveil est parfois brutal, notamment aidés d’une guitare électrique folle et d’un oeil stroboscopique. Le guitariste est d’ailleurs le Usain Bolt du changement de guitares, capable d’alterner 6 ou 7 fois ses instruments au cours d’un même titre. Avantage et inconvénient de n’être qu’un duo ! Le chant, rare, est parfois en français et a tendance à être désarçonnant, tant on préférerait être transporté par une langue venue du bout du monde. Mais qu’importe, le répertoire est idéal pour finir la soirée et nous préparer à aller dormir !    

Walter Astral à La Route du Rock Hiver 2024

Cette nouvelle collection Hiver de la Route du Rock, al 18e, a une fois encore, joué son rôle de dénicheur de talent, avec de très belles découvertes. Nul doute que le samedi soir sera de la même cuvée !  


Merci aux musiciens, aux techniciens et aux organisateurs de cette belle soirée à la Nouvelle Vague de St Malo !


Bruit Noir à La Route du Rock Hiver 2024