Apple Jelly en interview

 APPLE JELLY
Tel un félin aux 9 vies

Lieu : à bonne distance, entre Lyon et Saint Malo…

Date : 28 mai 2020


Par Mike S. 

Die, Motherfucker ! Die !!!. le nouvel album sort 7 ans après son écriture. Que s’est il passé ? (J’ai été très surpris de vous entendre à nouveau, alors que vos précédents disques  passent encore parfois sur ma platine et que j’avais un peu tiré un trait sur vous)
Pour autant, ce disque est tout à fait dans son temps. Est-ce à dire que vous étiez trop en avance quand vous l’avez écrit ?
SLip : Surement 🙂 Ce thème est ressorti des discussions nombreuses et nocturnes qu’on a pu avoir avec BEnn à l’époque. Les signaux qu’on avait pu observer se révèlent aujourd’hui .. BEnn est un prophète qui s’ignore.
BEnn. : Je sais pas si je suis un prophète, mais je pense que ça vient du fait que je ne me soucie pas des tendances, et que je fais un énorme travail en amont de l’écriture de l’album. Du coup, quand je concrétise mes idées, elles ne sont pas reliées à une époque. C’est peut-être pour ça.
Fat Kick Jo : Cet album a juste attendu que l’humanité lui donne raison, en attendant nous l’avons laissé mûrir comme du bon vin.
Théo : On vient du futur. Il a encore 10 ans d’avance, mais ça passe…

Le single éponyme qui introduit l’album est totalement hors format avec ses presque 8 mn et sa longue introduction. Mais il joue un rôle indispensable en ouverture de disque. Pouvez-vous nous en parler ? Son écriture, son orchestration, son message ?
FKJ : Ce morceau a pris racine lors d’une session « boeuf » lors d’une répétition. S’en est suivi l’orchestration et les paroles de Benn qui est plus à même de parler du message.
BEnn. : c’est compliqué de parler de ses chansons. Cet album est certainement le plus intimiste que j’ai fait. Il y a énormément de moi dedans. C’est aussi parce que c’est le premier qui est composé seul, sans mon frère. J’en ai vraiment chié à titre personnel ces dernières années, comme beaucoup d’autres. J’avais l’impression qu’avant je me levais le matin, il y avait comme un boxer qui me tapait dessus toute la journée. Je ne supporte pas cette violence quotidienne diffusée sur les chaines d’infos, ni les gros cons en Audi cherchant à compenser je ne sais quel problème et qui vous font un bras d’honneur après la queue de poisson. Je bosse pas mal avec les enfants aussi par le biais de créations de spectacles, et je constate qu’ils sont en souffrance. Pour citer Virginie Despentes, c’est la génération élevée au sucre et à la tablette. Bref, j’ai vraiment l’impression de vivre dans un monde ultra agressif. Après, en me posant loin de tout, le boxer est devenu la basse, les enfants, le cri aigu sur le refrain, et le synthé la violence de la rue.

Control était sur le précédent EP. C’est une façon de faire un lien entre l’avant et le maintenant ?
BEnn. : c’est surtout parce que la thématique de Control est la même que celle de l’album. La chanson dépeint les symptômes de la chute d’une civilisation, de la fin d’un monde.
FKJ : Personnellement c’est un morceau que j’adore jouer car il contient une tension et une énergie qui reflète le scénique d’Apple Jelly. Il est toujours agréable car il nous suit et évolue au fil des ans…

Le travail sur le son de l’album est le fruit d’un travail minutieux de recherche en studio ? y a-t-il des influences voulues ou involontaires de vos contemporains ou du passé ?
BEnn. : il y a plein d’influences. Les plus évidentes sont la scène LCD Soundsystem, !!!, Hot Chip etc…, mais pas que. Les BO de films, la musique concrète, et la nature m’ont beaucoup influencé aussi. Quant au son, je voulais qu’il ressemble à New York, la Babylone de la civilisation moderne occidentale ;).

Je trouve, à ce titre, que les batteries synthétiques des années 80 font un retour en force actuellement à l’image de votre titre Synchronized. Vous pensez que l’on peut encore apprendre de cette période musicale, de Depeche Mode à Georgio Moroder ?
FKJ : Pour le coup il s’agit de vraies batteries effectivement 😉 (NDR : oups). L’approche du jeu étant très basée sur l’interprétation à la Donna Summer, les Cardigans et bien d’autres encore, mais Depeche Mode reste encore à ce jour et à mes yeux une énorme référence. J’aime ce côté épuré dans les beats simples et efficaces, la subtilité de ma batterie résidant dans le jeu de charley….Je pense.
BEnn. : ce sont de vraies batteries sur le disque. (NDR : oups 2 ! 😉 ). Il y a bien quelques drum pad, mais très peu. Après coup, je me suis rendu compte de l’influence des années 80. Ce n’était pas voulu, et je la retrouve sur tous les albums que j’ai pu faire dans le passé aussi. Pourquoi ? parce que petit, j’ai fantasmé sur Kim Wilde, j’ai rêvé de Debbie Harry, je fus fasciné par Donna Summer sur « I feel Love », et j’imaginais les voix de l’époque comme sortie d’un roman d’Edgar Alan Poe, ou de Lovecraft surtout chez Bowie, Gahan, et même Robert Smith, plus céleste, lui.
Axel : Les sonorités 80’s ont une place très importante dans le groupe et plus particulièrement dans la formule live actuelle. Sur scène j’utilise des synthés vintage (roland juno 106, MS20) qui ont façonnés le son de cette période. C’est une époque très inspirante pour moi. Aujourd’hui encore c’est une esthétique très prisée, la majorité des groupes de pop possède un clavier vintage. Ce n’est pas pour rien que des fabricants comme Behringer proposent des clones de tous ces synthétiseurs et machines rétros maintenant hors de prix. La demande est très forte.
Théo : On peut tout prendre des années 80. Avec Axel, nous sommes très fans de la coldwave et de newwave. On adore les synthés, les boites à rythmes. Vous le verrez sur scène il y en a toute une floppée !

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Votre album arrive juste en sortie d’une période inédite dans le monde entier. Qu’avez-vous fait de ces deux derniers mois ? Et n’y a-t-il pas des enregistrements nouveaux déjà prêts à faire suite rapidement à ce disque ?
BEnn. : non, on n’a rien enregistré de nouveau. C’était un période propice à l’introspection.
Théo : J’ai beaucoup créé et joué de la musique, pour Apple Jelly et pour d’autres projets. Nous avons fait quelques créations en partenariat avec Slip pour des parutions Instagram. On s’est concentré sur la sortie de l’album, donc non il n’y a pas de nouveaux titres prêts.

Habituellement, on accompagne un album par une tournée. Comment pensez-vous faire vivre votre album dans ce contexte ? Des idées ? Des envies ? A la manière de Bob Sinclar qui voulait jouer au sommet de l’Arc de Triomphe à Paris ?
BEnn. Malheureusement, on n’ pas les moyens de Bob Sinclar. On travaille beaucoup en ce moment, sur la manière de proposer le disque en « live ». Pas mal d’idées fusent, mais rien de concret pour le moment. D’autant plus que personnellement, je ne suis pas très convaincu par les concerts en streaming. Un concert sans l’odeur du vestiaire, n’est pas un concert ;-).
SLip : De manière virtuelle, on essaye de poursuivre le monde de l’album au travers de boucles video mises en musique (dispo sur notre Instagram).
Axel : Justement on est en discussion avec Bob pour un co-plateau, affaire à suivre..
Théo : J’aimerais bien joué en Russie, pour Poutine et Depardieu.

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D’autant que le single Dance with me invite carrément à retourner danser ! C’est frustrant de ne pas pouvoir lui donner l’occasion de faire bouger les foules dans un festival ? D’ailleurs, comment définissez-vous l’objectif de votre musique ? Elle sert avant tout à faire bouger ou elle peut aussi s’écouter en solitaire dans sa voiture ?
SLip : L’impact physique est important dans la musique. Faire bouger le public, c’est hyper important en live notamment. Au delà de cet aspect festif, on aimerait aussi que l’album au vu des thèmes abordés, puisse s’écouter seul ou à plusieurs et permette d’ouvrir des réflexions.
BEnn : c’est frustrant de ne pas voir la réaction des gens en face de nous. De ne pas pouvoir les toucher, les entendre. J’ai toujours pensé qu’un bon artiste est là pour proposer un point de vue subjectif sur une thématique, une idée. Qu’après, l’interprétation et la production donnaient corps aux idées, et qu’à partir de ce moment là, elles ne nous appartenaient plus. Les gens s’approprient le disque et c’est bien. Certains y verront une orientation dance floor, pour d’autres, j’espère que ça nourrira quelques réflexions.
Théo : Cet album est très varié, des émotions très diverses. Mais pour moi Apple Jelly c’est surtout le live, les concerts, la transpiration !
Axel : Avec Théo, on est les petits nouveaux du groupe. Arrivés il y a 1 an et demi, on a compris rapidement que le live pour Apple Jelly était quelque chose de vital. Cela s’entend sur le disque. C’est une musique taillée pour les concerts et qui prend vie avec un public. 

Pour finir, quel titre de ce nouvel album vous parait le plus propice à vous faire découvrir par de nouveaux auditeurs ?
BEnn. : si on avait un seul type d’auditeurs, ça serait facile de répondre, mais comme je le dis dans la question précédente, peu importe par où les gens rentrent dans notre univers, tant qu’ils y entrent ;).
Théo : C’est très dur de choisir ! Je ne peux en choisir un, mais trois oui : Dance With Me, Leaving 2012, et DMD bien sûr !

Une question que j’aurais oubliée ? Un sujet dont vous voulez absolument parler ?
BEnn. : à part la migration du pigeon de Somalie, non pas d’autres sujets à débattre dans l’immédiat 😉
FKJ : Un sujet qui me tient à coeur en ce moment c’est le manque de stimulation sexuelle des pandas, j’espère vraiment qu’ils retrouveront de leur vivacité sans avoir recours à des films porno….de pandas !


A lire, la apple jelly 2020chronique de l’album « Die Mothe Fucker ! Die !!!« .

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