ROUTE DU ROCK  Eté #33

Jour 2 : King Krule – La Femme – Wu Lyf – Black Country, New Road – Memorials – … 

Date : 14 aout 2025
Salle : Fort de St Père
Lieu : Bretagne, Saint Malo (35)

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Par Mike S.

La programmation de la 33ᵉ Collection Été réserve toujours son lot de surprises. Sur le papier, cette première journée au Fort de Saint-Père semblait presque anodine, hormis la présence de La Femme, qu’on ne présente plus et dont on sait qu’elle déclenche immanquablement des moments de folie. Mais c’était sans compter sur les autres groupes bien décidés, eux aussi, à marquer les esprits.


En ouverture, le duo Memorials donne déjà un premier aperçu de ce que La Route du Rock sait aller dénicher. Verity Susman et Matthew Simms, originaires de Canterbury, viennent défendre Memorial Waterslides, leur premier album après plusieurs EP. Verity alterne claviers, saxophone et chant, tandis que Matthew se partage entre batterie, guitare et sampler. Pas de mise en scène extravagante : le duo se concentre sur son jeu, naviguant entre rock psyché et pop expérimentale, héritière du Velvet Underground, de Yo La Tengo ou de Tortoise. Les morceaux oscillent entre douceur contemplative et tension bruitiste à la Sonic Youth, poussant parfois le système son dans ses retranchements. Une belle entrée en matière, sans répit pour souffler.

Memorials

À peine le temps de changer de scène que Black Country, New Road installe son univers aérien, porté par les voix successives de ses trois chanteuses. Chaque interprète colore le groupe d’une teinte différente, entre réminiscences de Kate Bush ou de Tori Amos. Le soleil déclinant inonde la grande scène, obligeant les musiciens à sortir leurs lunettes. Réduit à six après le départ de son chanteur, le collectif londonien n’en garde pas moins une cohésion impressionnante. Ils occupent la scène et capte le public du début à la fin.

black country

Après une courte pause, la grande tribu des 8 musiciens La Femme débarque à 21 h. Groupe à géométrie variable — qui a vu notamment passer Clara Luciani —, il tourne aujourd’hui dans le monde entier. Leur passage à la Route du Rock a des allures d’évidence, surtout sur la grande scène où leur énergie fédératrice embrase le public en quelques secondes. Ce soir ne fait pas exception : de My Generation à Paris 2012 en passant par Où va le monde ?, le groupe enchaîne tubes et délires scéniques, déroutants pour les novices mais euphorisants pour les fidèles. Durant 90 minutes qui filent à toute vitesse, les classiques Sur la plage et Antitaxi conservent leur fraîcheur, prouvant que la recette fonctionne toujours en 2025. On se dit alors : oui, cette 33ᵉ édition sera mémorable.

La Femme

Puis viennent les Mancuniens de Wu Lyf, croisés aux Transmusicales il y a déjà quinze ans. De retour en Bretagne, ils attisent à leur manière le brasier allumé par La Femme, mais avec plus de subtilité et d’intensité. Leur nouveau single, A New Life Is Coming, ouvre le set en dévoilant la voix magnétique de leur leader et s’impose comme un hymne instantané. La suite alterne puissance et fragilité, rage et intensité, emportant un public conquis qui applaudit sans retenue, même sans connaître l’intégralité du répertoire.

wu lyf

À peine le temps d’échanger quelques impressions qu’on est déjà happé vers la grande scène. On constate alors que le site n’affiche pas complet ce soir — loin de la foule du No Logo la semaine précédente. Finalement, tant mieux : hormis quelques furieux adeptes du pogo ou du stage diving, l’ambiance reste respirable. Mais demain, avec Pulp en tête d’affiche, ce sera une autre histoire.

Place enfin à King Krule, pour sa seule date estivale en France. Archy Marshall, entouré de ses nombreux musiciens, six ou sept, impose d’emblée sa voix grave et ténébreuse, en contraste avec son visage juvénile. Musicalement, le groupe navigue entre rock indé, jazz fusion et post-rock. La lumière tamisée est régulièrement tranchée par des stroboscopes rouges qui agressent les yeux et électrisent l’atmosphère. Le saxophone s’aventure dans des improvisations free jazz, tandis que d’autres moments rappellent Band of Horses. De Perfecto Miserable à Out Getting Ribs, King Krule pioche dans dix ans de répertoire, avec une place importante accordée à Space Heavy (2023), même si Seaforth manque cruellement. Comme Radiohead, le groupe construit une ambiance, un climax qui happe les plus réceptifs mais laisse d’autres spectateurs à distance.

Et c’est bien là l’un des défis des programmateurs de la Route du Rock : trouver l’équilibre entre des groupes immédiats et fédérateurs, comme La Femme, et d’autres plus exigeants, tels King Krule ou Memorials. La soirée se terminera avec l’électro belge de Bolis Pupul et Overmono, duo électro londonien, sur les coups de 3h du mat. 


Merci aux musiciens, aux techniciens et aux organisateurs de ce festival unique en France !