Eben – Dinaskañ

Si vous pensez que la musique bretonne se résume à des binious, des sabots et des clichés folkloriques, oubliez tout ça. Avec « Dinaskañ », le groupe Eben livre un nouvel album d’une puissance rare, où la langue bretonne devient vecteur de lutte, de poésie et d’émancipation. Le disque, chanté intégralement en breton, fait l’effet d’un souffle neuf dans les musiques traditionnelles, et pourrait bien séduire même les oreilles plus habituées aux riffs saturés qu’aux cercles circassiens.

Le mot dinaskañ signifie “désentraver”. Ce titre, emprunté à un poème d’Angela Duval, poétesse bretonne majeure, incarne toute la démarche du groupe : dénouer les chaînes, libérer les voix. De Dañs ar Bleiz, une transe antifasciste, à Eostig Kuzh, véritable hymne féministe, chaque morceau mêle engagement et finesse, colère et grâce.

 

Le trio vocal – Sterenn Diridollou, Marine Lavigne (auteure des textes), Sterenn Le Guillou – impressionne par sa maîtrise vocale, son timbre singulier et son intensité. À leurs côtés, Antoine Lahay (guitares), Julien Stévenin (contrebasse) et Jonathan Dour (alto) créent un écrin musical subtil, entre folk acoustique, musique de chambre et tension jazz, offrant un voyage musical des plus immersifs et envoûtants. 

Ici, pas de folklore sous vitrine. Le breton est vivant, viscéral, enraciné dans le présent. Les voix portent les blessures de l’intime comme celles des luttes collectives. L’album alterne moments de grâce suspendue (Hillig ur pok), tensions souterraines (Tremen) et élans d’espoir (Douar Nevez).

Dinaskañ est un disque libre, dense, vibrant. Un acte artistique fort, à la croisée des cultures, des époques et des luttes. Pour celles et ceux qui aiment que la musique ait quelque chose à dire – et le dise avec beauté.